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CAN 2022: au Cameroun, un premier match organisé en zone de guerre



Dans les deux régions Sud-Ouest et Nord-Ouest, où vit l'essentiel de la minorité anglophone d'un pays majoritairement francophone, les groupes armés séparatistes et les forces de sécurité dépêchées par Yaoundé s'affrontent dans un conflit meurtrier qui a fait plusieurs milliers de morts et déplacé des centaines de milliers de personnes.


Ce mercredi, se jouait, entre la Tunisie et le Mali, à Limbe le premier match de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) dans la zone anglophone de la région sud-ouest du Cameroun. Il faut savoir que la vie de cette région est marquée depuis de longs mois par des combats meurtriers entre militaires et séparatistes armés. Le conflit couve depuis des décennies entre les Anglophones (une fracture linguistique qui remonte à la division du Cameroun entre la France et l’Angleterre après la Première Guerre Mondiale, le Cameroun était alors allemand) et le reste de la nation.


Cette région sud-est se sent marginalisée et mise à l’écart du pouvoir décisionnel. En 2017, des manifestations importantes avaient eu lieu pour réclamer l’indépendance de l’Ambazonie. Des rapts d’élèves dans les écoles, des échanges de tirs, et des soulèvements populaires réprimés par l’armée émaillent depuis la vie de cette région stratégique en termes de ressources (pétrolières notamment).



Alors à l’heure de recevoir un évènement international comme la CAN, il a fallu se préparer. La Confédération africaine de football (CAF) a ainsi incité les journalistes à rejoindre un cortège sécurisé depuis Douala, mais la vérité se voyait mieux toute crue: sur les 65 kilomètres séparant la capitale économique du Cameroun et Limbe, des militaires de la Brigade d’intervention rapide longeaient la route a minima tous les kilomètres sur la dernière moitié du trajet.


Les contrôles routiers étaient nombreux et approfondis et les transports en commun faisaient l’objet de fouille de chacun des passagers à bord. Une fois au stade, la sécurité était démultipliée, avec des brigades cynophiles à chaque entrée pour fouiller, les sacs et les voitures étant minutieusement inspectés, ce qui n'avait jamais été observé dans les stades de Yaoundé ou de Douala jusqu'à présent. La présence militaire et policière devenait presque étouffante aux abords d’un stade dont la vue sublime contraste avec cette nécessité sécuritaire.


Pourquoi installer la CAN dans cette zone?


Même si la situation est connue de longue date, le gouvernement a tenu à organiser cette CAN dans cette zone anglophone qui représente 20 % de la population camerounaise. Objectif: offrir l’évènement à tous les Camerounais, et qu’importe les conflits (un autre stade de la compétition est aussi installé à Garoua au Nord, dans une zone extrêmement contrarié, cette fois par des attentats réguliers perpétrés par Boko Haram).


Il en va aussi d’un besoin de partage de l’évènement et de l’équipe nationale des Lions Indomptables. Ainsi, même si cela n’a rien d’officiel, il est convenu officieusement que la sélection compte en son sein au moins un joueur de la zone anglophone (Clinton Njie et Collins Fai pour cette CAN). L'absence d’un joueur de la zone anglophone serait perçue comme un affront de plus par la région Nord-Ouest. Il en va de même pour les dix régions qui composent le Cameroun. Chacune d'entre elles entend avoir l'un de ses "fils" en sélection.


Une donnée qui prend toute son importance en cas de succès, puisque lors de la tournée du Cameroun effectuée par des Lions Indomptables potentiellement victorieux, il revient au joueur originaire de chaque région de présenter le trophée et le reste de l’équipe sacrée. La distribution de la CAN, comme la sélection nationale, répond donc à une volonté de réussite, mais aussi à des impératifs diplomatiques inter-régionaux, ici, au Cameroun.

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